Alexandre Tharaud a toujours eu le désir de réunir les deux mondes de la chanson et de la musique classique. Son nouvel album s’intitule Pianosong, revisite quelques classiques et met en lumière de nombreuses pièces méconnues. « On enferme les pianistes dans des tours d’ivoire, toujours éclairées de la même façon », explique t-il. « Je rêve d’un piano qui redevienne synonyme de liberté, et de programmes qui brisent plus encore les frontières ». « Cet album offre des chassés-croisés mettant en valeur les relations entre la musique classique et la chanson », dit-il encore. « Des relations fragiles, certes, mais toujours passionnées ».
Pianosong est aussi une déclaration d’amour aux compositeurs dits de variétés, une relecture des chansons populaires (au sens le plus noble du mot) immortalisées par Piaf, Sheller, Trenet, Farmer, Berger, Gainsbourg, Nougaro et Barbara qu’il adore. « J’émergeais sonné des spectacles de Barbara. Les échos de sa voix, ses inflexions si atypiques résonnaient longtemps en mon corps. Je me mettais ensuite au clavier et travaillais son phrasé. Barbara m’offrait un champ plus large qu’aucun professeur de piano ne m’avait jamais proposé». Alexandre Tharaud a déjà consacré un album à Barbara. Pianosong, cette fois, s’ouvre à d’autres artistes. « C’est un triple hommage : à la chanson française, aux arrangeurs, ces compositeurs de l’ombre, souvent géniaux (Jacques Brel sans Gérard Jouanest et François Rauber, Claude Nougaro sans Maurice Vander, n’auraient pas fait la même carrière), et aux chanteurs ayant composé des pièces instrumentales ».
Dans cet album, Alexandre Tharaud pose aussi une question : que devient une chanson quand elle est délestée de sa voix et de ses mots ? « On se rend compte que la musique seule explore une nouvelle dimension et que la voix du chanteur, même absente, résonne en nous, quand bien même on ne l’entend pas. Cette musique peut être réinventée, réarrangée de diverses manières ».
Alexandre Tharaud a commandé à Dimitri Soudoplatoff de nouvelles orchestrations qui vont loin dans la réinvention. « Ici, le piano se fait chanteur. Comme lors d’un tour de chant, l’architecture d’un album est extrêmement importante, il faut tenir l’auditeur en haleine en le surprenant, en créant des tunnels et des zones d’ombre. C’est toute une science, il ne faut pas avoir peur des ruptures. Ce qui est merveilleux dans l’expérience du studio est ce moment où quelque chose sort de vous, que vous ne connaissez pas ».
Alexandre Tharaud va ensuite bouleverser d’autres codes en jouant ce répertoire dans des salles totalement dévouées au classique, et montrer que la musique de Jacques Brel ou Barbara y a aussi sa place.